On l'appelait Boulon
Boulon, comme Boulon
Il avait les souliers tout déformés
Une vareuse militaire
Il mangeait un cervelas
Pour les quatr'heures
On l'a finalement retrouvé
Dans la Sarine

Je pensais aux lièvres, aux renards,
Aux rongeurs qu'on ne voit jamais
Jamais boire ou se contenter
De la fraîcheur bienfaisante de la rosée 

Chaque jour
Elle en vend une douzaine
Elle cache les sous
Les compte chaque semaine
Et rêve à ces bottines rouges

Le proprio est là

Il dit qu’elle n’a jamais été rénovée

L’odeur de cheval se mélange à cette métamorphose

Le panier de basket est placé devant la ruine

Concentration d’insectes

Les vaches gueulent

Elles sont contentes de nous voir

La vie paraît bien lente ici

Regarde ce nuage qui vient lécher ces falaises

FUCKAMOTHA
.

Un hérisson écrasé

Champ du moulin

Gorges  de l’Areuse

Pontarlier 

C’est à combien de kilomètres ?

L’humidité en torrent

Troue la toiture

Autour de mûriers

A vendre 
Un petit cheval suisse
Taillé comme dans un vieux bouleau 
Un mètre cinquante au garrot
Juste de quoi poser ses cuisses

Dans ce printemps 

Pataud paysan

Hachures sur les lèvres

Parfum et fleurs

Qui fument

Diversement appréciées

Anciens tracteurs

Hürlimann

Bührer

Baütz

Carraro

8400 SRX

John Deere

2850 SG2

Avec roues jumelées

6920 Premium

Avec chargeur frontal

Fiat 5590

Cabine, très bon état

Same Explorer 60 DT

Essieu TLS

Ford 4600

Deux roues motrices

Prix à discuter

Pour cause de transformations

Cherche

Une épareuse

Cherche

Un calibreur Aficor

Cherche

Un ensileur Agrar

Cherche

Un bec à maïs

Cherche

Deux silos tours Rotaver

Cherche

Un évacuateur Albert

Cherche

Un semi-remorque Iveco

Expertisé du jour

Cherche   

Fraisiers avec motte

Variétés

Gariguette

Thulana

Waedenswil

Fraroma

Thuchampion

Thuriga

Thushief

St-Pierre

Simida

Nerina

Mara des bois

Siskeep

Josée

Alexandria

Florika

Raconter avec précision
Dans quel état se trouvait la pièce
Ce qu'il avait mangé
Comment il s'était comporté
Si on notait une légère amélioration

F.C.

Une Ligue agricole mise de côté

Pour le repos du dimanche

Foyer de zèle et de propagande

Derrière les grognements des fauves

Et la graisse de moteur des machines

Cette nuit j’ai rêvé d’un radar

Je ne sais plus pourquoi

Ça va bien si je commence à rêver de radars

Le matin

Il parle toujours à ses vaches

Il leur balance des chiffres pourris

Comme pour se défouler

Le prix des céréales

Tout y passe

Le dollar

L’euro

Et juste à la radio

The Perfect Day

Avec Bono le chanteur

Les chèvres me causèrent

Pas mal d’ennuis

Comme je l’ai déjà dit

Elles refusaient de m’obéir

L'amour dans le pré ou presque
Cela parle de la campagne
Des champs de blé
De l'odeur du crottin de chèvre
De la France rurale
Le journaliste raconte
L'émission cartonne
Il est très content
Car on laisse se dérouler les situations
Comme dans la vraie vie
Il dit que c'est le secret de l'émission

Le petit souriceau flairait

Encore les brins d'herbe d'été 

Aveugle et innocent 

Dans un univers inconnu 

Ignorant que la mort a un plumage splendide 

Et un fort battement d'ailes

M.C.

Oncle Didi est grand
Oncle Didi a une Buick
Oncle Didi fume des parisiennes
Mon papa,lui, est petit,
il ne fume pas, il n'a même pas
le permis de conduire.
Un jour, pour nous taquiner après une partie  de
"hâtes toi lentement" avec mes parents,
Oncle Didi a posé une de mes voitures Matchbox
entre les ampoules, sur le lampadaire du salon.
Ma maman emprunte une échelle pour la récupérer
et mon père dit qu' "Oncle Didi est un con"

A.J.

Pour certains citadins

La campagne est intolérable

Parce que son silence rejoint leur vide intérieur

F. B.

Froide comme un glaçon

Nonchalante sous la table

Innocemment

Une main sur ma cuisse

Tendre

Qui me réchauffait

Comme un poêle à molasse

Depuis la veille

Il  prenait tout son temps

Il n'avait que son pantalon

Comme une vieille guenille

Loin de ces paysages alpestres

Il pensait à une prochaine cure

Ce n'était que la fin de mois de mai

Les prémices de l'été.

Cela faisait longtemps

Qu’il dorlotait sa bouteille

Seul dans son box

Avec son étalon 

C’était un bel animal

Généreux de la poitrine

Un animal a peine débourré

Comme il les aimait

Il en parlait depuis longtemps

Souvent le soir

Partir avec un bateau

Terre-Neuve

Caroline

Pennsylvanie

Nova Friburgo

Juste traverser la mer

Programme de la journée

Malgré un temps orageux

Visite de la station agricole

Pique-nique tiré du sac

Fin du voyage et retour en train

Avec quelques cantiques

Son premier souvenir

C’était durant les foins

Il avait bottelé toute la journée

Sous la camisole, il s’est pris un coup de soleil carabiné

Il appelle ça le bronzage « croix fédérale »



Au cours de ma vie de paysan

Bien des dangers me guettèrent 

Mais je n’y prenais pas garde

Et j’oubliai bien vite

Il y avait un hêtre qui avait poussé

Derrière l’étable

À l’abris des regards

Je pouvais m’y promener

Comme sur un sentier

Plonger mon regard

Dans un abîme ténébreux

 

Dessiner sa mère

Avec des gants verts

Des gants de jardin

Avec des souliers roses à talons hauts

et du rouge à lèvres qu’elle ne portera jamais,

Comprendre en secret à six ans

Qu’au-delà du jardinage

Sa mère est une femme

M.R.

 

Près de la ferme du haut

Celle où le foin se ramasse

Des voisins étaient mal disposés

À notre égard

Etendus dans la grange
Odeur des foins

Son bras sous ma nuque 

Odeur des corps 

Mon nez contre sa peau

Ce dimanche-là
On ne pris pas le petit-déjeuner
Renouvelée sans faute chaque semaine
La cérémonie n'eut pas lieu
L'après-midi, consacré normalement aux loisirs
Parut interminable. 

J’implorai Dieu

Dans ma misère et ma terreur

Me couchai sur le ventre

En étendant les mains

Aussi loin que possible

Recherche personnel féminin

Sachant travailler seul

Simplicité, loyauté

Droiture d’âme

Caractère doux

Conciliante, voire un peu timide

Vie humble et laborieuse

Avec si possible

Expériences travaux d’écurie



Le conducteur du tracteur

Nous a foutus sur le char à pont

Mon frangin et moi
Même si on n'est pas des fils de paysan
On était fiers

Je me souviens même de la marque du tracteur

Un John Deere

Je trouve que ça sonne bien
John Deere

Un peu comme John Wayne

D’un côté de la route

Une vigne en pente

De l’autre,

Un alignement de fermes. 

Une bâche noire recouvre un vieux canapé défraîchi

Les vaches du Toggenburg me manquent

Le plus pénible

C’était de quitter le matin mon lit

De m’en aller à travers la campagne

Les jambes et les pieds nus

Dans un brouillard épais

Qui descendait des montagnes

Derrière la maison il y a un pré en plein soleil

Où le vent chasse la neige

Celle-ci recouvre souvent au printemps le pré de devant

Celui de derrière est déjà couvert d’herbe

Et de renoncules

Mémoire, je vois ton jeu :
Tu prends racine
Et tu te structures 
Dans l'imagination, 
Et cette dernière 
Ne fleurit qu'avec toi. 


P. C. 

C'est comme le gros
Celui du mont de Coeuve
Qui courrait avec des bottes
Et qu'on surnommait le "nono"
Celui qui faisait le cheval
Seul, entouré d'une clôture
Le dimanche après-midi
Devant des gamins
Qui se foutaient de sa gueule

Tous les soirs 
Il les pose
Sur le four à molasse
C'est là que sa femme pose aussi les gâteaux
Et les fruits à sécher au début de l'automne 
Lui dit "ça sera jamais comme avant"
Il faut s'habituer
Mais il est heureux tous les soirs
Il y a sa femme 
Et le four à molasse

Nous avions dans notre ferme une fontaine qui ne gelait jamais
Elle était protégée par un toit qui reliait la grange 
De sorte que tout l'hiver
Le bétail ne voyait jamais le ciel 

Une inattention
Un geste oublié 
On imagine le pire
Le malaise persiste 

Quel plaisir, le soir
De ramener mon troupeau
Au son de ma corne
De voir mes chèvres
Avec leurs pis tout gonflés 

Le fruit est une baie rougeâtre

Globuleuse

Tige grimpante ramifiée

Munie de vrilles

Trois à cinq graines

Ovoïdes, noyées dans du mucilage

Tout cela pour la bryone

Je peux me défendre de montrer à des spectateurs

Les photographies les plus intimes

Celles que je pressens comme telles

Sous prétexte que ces images ne diront rien aux autres

Qu’elles resteront quelconques

Ne sauront provoquer

Que l’indifférence

R.B.